Le forfait jour Syntec : tout savoir pour éviter les erreurs

Le forfait jours permet à l’employeur de déroger à la durée légale du travail de 35 heures, sans avoir à rémunérer le salarié en heures supplémentaires. En contrepartie, le salarié bénéficie de jours de repos additionnels.

C’est donc un dispositif qui accorde beaucoup de souplesse et de liberté, et qui est réservé aux salariés dont le poste implique des responsabilités élevées.

En revanche, il répond à de très nombreuses obligations légales et conventionnelles, parfois méconnues des dirigeants de petites entreprises. C’est notamment le cas des entreprises rattachées à la convention collective SYNTEC dont les dispositions sont très restrictives en matière d’accessibilité au forfait jour. 

Au besoin, La Ressource Humaine peut vous aider à mettre en place un forfait jours sur-mesure et de déroger aux dispositions conventionnelles SYNTEC dans un cadre juridique et RH sécurisant. 

Cet article présente les dispositions générales prévues par la loi, ainsi que les spécificités contenues dans l’accord collectif de la branche Syntec. Attention, si vous dépendez d’une autre convention collective, il faudra vérifier quelles sont les règles qui s’appliquent dans votre branche.

Sommaire de l'article

Le forfait jours, c'est quoi ?

Le forfait jour permet de rémunérer certains salariés sur la base d’un nombre de jours travaillés sur l’année, sans décompter le temps de travail en heures. Il a été mis en place par la loi Aubry 2 en 2000, lors du passage au 35h, afin de permettre aux cadres autonomes de déroger à cette réduction du temps de travail.

Attention, on confond souvent statut cadre et forfait jour. Il s’agit de deux choses différentes : on peut être cadre au forfait jour, cadre sans être au forfait jour, et on peut également être au forfait jour sans être cadre.

Le forfait jour ne peut pas être proposé librement à tous les salariés.

Deux conditions se cumulent :

  • Pour pouvoir proposer le forfait jour à vos salariés, il est nécessaire qu’il soit prévu par un accord collectif : soit au niveau de la branche professionnelle, soit au niveau de l’entreprise
  • Par ailleurs, l’application du forfait jour ne peut pas s’imposer au salarié. Il doit manifester son accord par écrit en signant une convention individuelle de forfait. Il peut s’agir d’un document à part entière, ou d’une clause du contrat de travail.

Chaque accord collectif fixe des règles et des critères d’éligibilité pour le forfait jour, mais la loi, via le code du travail, fixe un cadre.

Les dispositions concernant le forfait jours sont situées aux articles L3121-53 à L3121-66 du Code du Travail

Ces dispositions sont d’ordre public, ce qui signifie qu’on ne peut pas y déroger.

Sur les salariés éligibles

Le forfait jour ne concerne pas l’ensemble des salariés. Il est réservé à ceux qui disposent d’un certain niveau de responsabilité et d’autonomie.

La loi définit précisément les collaborateurs qui peuvent signer une convention de forfait :

  • les cadres disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, et qui n’ont pas à suivre les horaires collectifs applicables dans le service ou dans l’entreprise.
  • les salariés (pas nécessairement cadres) dont la durée du temps de travail ne peut être déterminée à l’avance, et qui disposent également d’une autonomie dans l’exercice de leurs missions et dans l’organisation de leur emploi du temps.

Attention, certaines conventions collectives réservent le forfait jour aux cadres uniquement. C’est le cas de la CCN Syntec, comme nous allons le voir dans la deuxième partie de cet article.

Sur la durée du travail

Pour les salariés au forfait jours, le temps de travail n’est plus comptabilisé en heures, mais en nombre de jours travaillés sur l’année. La loi prévoit que le nombre de jours forfaitaires ne peut pas dépasser 218 jours par an.

Le salarié n’est plus soumis au respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, mais il continue de bénéficier des garanties de repos quotidien (11h consécutives) et hebdomadaires (35h consécutives), des congés payés et des jours fériés en vigueur dans l’entreprise

Par ailleurs, l’employeur ne peut plus imposer des horaires de travail au salarié. Cela aurait pour effet de remettre en cause la convention de forfait jour, qui comme nous l’avons vu plus haut, implique une autonomie du salarié dans l’organisation de son travail et de son emploi du temps.

L’employeur ne peut pas non plus imposer un volume horaire à réaliser par jour. Le salarié peut donc travailler 8 heures une journée, 4 heures le lendemain, 11 heures le surlendemain…

En revanche, pour mener à bien sa mission, il est évident que le salarié doit pouvoir être présent pour rencontrer ses interlocuteurs, participer aux réunions de travail, encadrer son équipe…s

Sur les garanties et contreparties pour le salarié

Le suivi de la charge de travail, et le droit à la déconnexion

L’employeur doit veiller à ce que la charge de travail du salarié soit raisonnable et lui permette de conserver un bon équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.

Cette disposition est très importante, et a été à l’origine ces dernières années de l’annulation de plusieurs accords collectifs, qui ne prévoyaient pas des mesures suffisantes pour préserver la santé et le droit au repos des salariés.

Tous les accords collectifs doivent désormais prévoir très clairement les dispositifs de suivi de la charge de travail, et les garanties de droit à la déconnexion pour le salarié.

Le droit à des jours de repos

Le salarié bénéficie d’un nombre de jours de repos supplémentaires, souvent appelés à tort RTT, qui sont calculés chaque année en fonction du calendrier. Pour 2021, et pour un forfait de 218 jours, le nombre de jours de repos prévu est de 11.

L'adaptation de la rémunération

La rémunération du salarié en forfait jour doit tenir compte du fait que sa charge de travail est plus importante que s’il était soumis à l’horaire légal. La loi n’impose pas de compensation spécifique, mais les accords collectifs de branche prévoient des majorations de salaire par rapport aux minimums conventionnels.

Un salarié qui estimerait que la rémunération qu’il perçoit n’est pas proportionnelle à la charge de travail induite par son forfait jour peut saisir le juge, qui pourra condamner l’employeur au versement d’une indemnité en fonction du préjudice subi.

Le forfait jour Syntec

La convention collective Syntec est l’une des plus contraignantes sur le sujet de la mise en place du forfait jour. Les conditions d’accès à cette modalité de gestion du temps de travail sont en effet très restrictives.

Les modalités conventionnelles sont contenues dans deux textes de référence : l’accord de 1999 sur le temps de travail, et l’avenant de 2004 qui vient renforcer les dispositions de suivi sur le forfait jour. Les deux textes sont disponibles sur le site internet de la branche Syntec.

La branche Syntec prévoit 3 modalités, que nous allons aborder synthétiquement, avant de nous concentrer sur la modalité 3 qui concerne le forfait jour.

Rappels sur les 3 modalités de gestion du temps de travail prévues par l'accord Syntec

La Modalité 1 : Modalité Standard

Il s’agit ici de la modalité basique d’application des 35h. Tous les salariés sont éligibles à cette modalité, employés, agents de maîtrise et cadres.

Le salarié effectue 35h par semaine, qui correspondent à 151,67h par mois, ou 1607h par an.

Les heures effectuées au delà des 35h sont rémunérées en heures supplémentaires.

La Modalité 2 : Réalisation de missions, forfait en heures

Dans cette modalité, la Syntec propose une adaptation de la durée du travail de 35h, en incluant 3h30 supplémentaires forfaitaires. Le salarié est donc soumis à un horaire de 38h30 hebdomadaires, mais aussi à un nombre de jours maximum annuel de travail fixé à 220. On décompte donc ici le temps de travail en heures ET en jours.

Cette modalité implique donc un suivi des heures travaillées, et celles réalisées au delà des 38h30 doivent faire l’objet d’un paiement en heures supplémentaires. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un forfait jour 🙂

Le forfait heures Syntec est applicable pour les salariés cadres uniquement, dont le salaire est au moins égal au plafond mensuel de la sécurité sociale (3428 euros en 2021), ET dont la rémunération est au moins égale à 115% du salaire minimum conventionnel.

La Modalité 3 : Réalisation de missions avec autonomie complète, forfait en jours

Il s’agit ici du forfait jour tel que nous l’entendons depuis le début de cet article, avec un temps de travail basé uniquement sur un nombre de jours à effectuer, sans tenir compte des heures réalisées.

Nous allons détailler dans le paragraphe suivant les conditions d’accès à cette modalité, ainsi que les règles de gestion à suivre.

Téléchargez gratuitement notre note d'information sur les modalités de gestion du temps de travail Syntec

Les conditions d'accès au forfait jour Syntec (modalité 3)

Les conditions de position dans la classification Syntec

Comme nous l’avons vu au début de l’article, le forfait jour est réservé aux salariés qui disposent d’une grande autonomie dans la gestion de leur travail et de leurs horaires. Cette contrainte est extrêmement bien respectée dans l’accord Syntec, puisque seuls les salariés aux classifications les plus hautes, à partir de 3.1, ont accès au forfait jour.

Dans les faits, les positions 3.1, 3.2 et 3.3 sont le plus souvent réservées aux cadres dirigeants.

On peut en revanche s’affranchir de cette condition de position pour les salariés donc la rémunération annuelle est au moins égale à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit …. 82272 euros !

Les conditions de salaire

Comme pour la modalité 2 du forfait en heures, le forfait jour Syntec prévoit également une majoration du salaire minimum conventionnel, fixée ici à 120%.

Lors de la rédaction de cet article, la grille des salaires Syntec applicable est celle de fin 2019, qui a été étendue à l’ensemble des entreprises de la branche fin 2020 :

Salaires minimum conventionnels syntec

Pour un salarié 3.1, le salaire minimum conventionnel étant fixé à 3490,10€, la rémunération mensuelle minimale pour bénéficier du forfait jour est donc de 4188,12€ (3490 x 120%)

Cette double condition, de position et de salaire défini dans la grille SYNTEC, réservent donc l’accès au forfait jour à un nombre assez restreint de salariés.

Trop contraignant pour vous ?

La Ressource Humaine, en partenariat avec Anne Cohen, avocate en droit social, vous permet de vous affranchir des modalités conventionnelles Syntec avec la mise en place d’un accord forfait jour sur-mesure pour votre entreprise !

La gestion du forfait jour avec la CCN Syntec (modalité 3)

La convention de forfait individuelle

Une modalité de forfait jour ne peut pas être imposée au salarié. L’employeur doit absolument recueillir son accord par écrit, par la signature d’une convention individuelle de forfait jour, ou par une clause du contrat de travail.

Cette clause ou convention doit faire référence à l’accord sur laquelle elle se base (ici l’accord Syntec donc), et expliquer quelles sont les éléments dans la nature des fonctions du salarié qui justifient son passage au forfait jour.

La clause ou la convention doit mentionner également le salaire, le nombre de jours travaillés, ainsi que le moyen de suivi de ces jours.

Doivent également être mentionnées les modalités de suivi de la charge de travail et de garantie du droit à la déconnexion.

Le calcul et l'attribution des jours de repos

Le salarié devant effectuer 218 jours sur l’année, il convient à chaque début d’année de calculer le nombre de jours de repos attribués.

Voici le calcul effectué, par exemple pour l’année 2021 :

  • Nombre de jours de l’année : 365
  • Moins le nombre de jours de travail prévus au forfait : 218
  • Moins le nombre de jours de repos hebdomadaires (samedis et dimanches de l’année) : 104
  • Moins le nombre de jours de CP ouvrés de l’année : 25
  • Moins le nombre de jours fériés tombant sur des jours ouvrés : 7

= 365 – 218 – 104 – 25 – 7 = 11 jours de repos pour 2021

Le suivi des jours travaillés

Une des conditions indispensable à la validité de vos forfaits jours est le suivi des jours travaillés. Le salarié doit saisir le nombre de jours travaillés, et le transmettre chaque mois à l’employeur.

Le document mentionnera les journées travaillées, les jours de repos et de congés payés pris.

Il peut s’agir d’un simple tableau Excel, ou d’un module de suivi dans votre SIRH. L’essentiel est de bien conserver ces informations pendant au moins 3 ans.

Les entretiens de suivi de la charge de travail et le respect du droit à la déconnexion

Au delà du suivi des journées travaillées, l’employeur doit s’assurer que la charge de travail du salarié lui permet de bénéficier des temps de repos obligatoires, et ne porte pas atteinte à sa santé, ou au bon équilibre entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.

L’accord Syntec prévoit au moins deux entretiens par an, pendant lesquels doivent être abordés l’organisation et la charge de travail, l’articulation vie pro – vie perso, et la rémunération du salarié. Il est indispensable de garder une trace écrite de ces entretiens, et nous vous conseillons de mettre en place un formulaire dédié, pour qu’ils ne puissent pas être confondus avec l’entretien annuel d’évaluation ou l’entretien professionnel

Les salariés au forfait jour doivent au même titre que les autres collaborateurs bénéficier d’un droit à la déconnexion. Les moyens de travail actuels permettent difficilement à l’employeur de s’assurer du respect de ce droit. Il peut être utile de fixer des règles au sein de l’entreprise, qui peuvent être intégrées dans une charte du droit à la déconnexion.

On peut par exemple se mettre d’accord sur l’envoi des mails en différé s’ils sont rédigés en dehors des horaires de travail, ou sur le fait de ne pas exiger une réponse immédiate si cela n’est pas nécessaire. Ces règles sont propres à chaque entreprise, et si elles peuvent parfois relever du bon sens, il peut être utile de les préciser, et de montrer qu’elle ne sont pas prises à la légère par la direction.

Pour conclure

Les contraintes liées à la mise en place du forfait jour sont nombreuses, et les dispositions prévues par la convention collective Syntec sont particulièrement restrictives pour une entreprise, puisqu’elle réserve l’accès à cette modalité aux positions et aux salaires les plus élevés.

En tant que dirigeant, vous devez absolument veiller à bien respecter ces règles. En effet, le non respect des obligations liées au forfait jour mettrait l’entreprise dans une situation très risquée. Si la convention est cassée par les juges, c’est comme si le forfait jour n’avait jamais existé, et le salarié peut prétendre au paiement de toutes les heures réalisées au delà des 35h. L’employeur peut également être condamné pour travail dissimulé, et contraint de payer les rappels de charges sur les heures en question.

Le montant d’un tel litige peut se chiffrer à plusieurs dizaines de milliers d’euros !

Il est en revanche possible de s’affranchir des contraintes de la convention Syntec, en négociant au sein de votre entreprise un accord du temps de travail.

Depuis les ordonnances Macron, un accord d’entreprise sur le temps de travail peut être moins favorable pour le salarié que les dispositions prévues par la convention collective. Vous pouvez donc mettre en place vos propres règles, et notamment vos propres modalités d’accès au forfait jour.

La signature d’un accord d’entreprise a été grandement simplifiée, puisque vous pouvez désormais le négocier avec votre CSE, ou en proposant un accord via un référendum d’entreprise. Il est cependant indispensable de vous faire accompagner par un professionnel des ressources humaines et un avocat en droit du travail pour mettre en place un accord forfait jour adapté à votre organisation.

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