Comprendre le droit du travail : l’articulation des sources

La Ressource Humaine ne propose pas d’accompagnement en droit social. Si vous vous questionnez, ou rencontrez des difficultés, nous vous conseillons vivement de vous rapprocher d’un juriste en droit du travail.

Dans un premier article, nous avons vu que le droit du travail mobilise plusieurs sources :

  • des sources internationales
  • des sources nationales
  • des sources professionnelles.

Ces sources peuvent parfois donner des informations qui semblent contradictoires.

Lorsque plusieurs règles semblent en « conflit » ou traitent d’une même problématique, il peut être difficile de déterminer laquelle prime dans une situation donnée.

C’est pourquoi le Code du travail hiérarchise et donne des clés d’application des normes entre elles.

Nous allons dans cet article faire le point sur la manière dont les normes (les sources) s’articulent entre elles.

Sommaire de l'article

Un bouleversement récent dans l'articulation des normes en droit du travail

La norme historique : le principe de faveur

Historiquement, la règlementation en matière de droit du travail avait pour objectif, d’une part, d’équilibrer la relation de travail entre l’employeur et le salarié et, d’autre part, de promouvoir le progrès social en garantissant au salarié la primauté de la norme qui lui était la plus favorable.

Ainsi, jusqu’à récemment, on appliquait un principe fort en droit du travail : le principe de faveur.

Les différentes normes sont classées selon un système pyramidal : tout en haut, les règles supranationales et la constitution, puis les lois et les décrets, les conventions collectives, les accords d’entreprise, et enfin le contrat de travail.

Une règle « inférieure » pouvait être différente d’une règle « supérieure » uniquement si elle était plus favorable au salarié.

Par exemple, le Code du Travail ne prévoit pas le paiement d’un 13ème mois, mais une convention de branche ou un contrat de travail peut le faire car c’est dans l’intérêt du salarié.

La remise en question du principe de faveur

Deux lois importantes ont remis en cause ce principe :

  • la Loi Travail de 2016 (aussi appelée loi « El Khomri »)
  • les Ordonnances de 2017 (appelées « Ordonnances Macron »).

L’objectif était de donner plus de poids aux accords signés dans l’entreprise, par rapport à ceux signés au niveau de la branche professionnelle, à ceux conclus au niveau interprofessionnel voire même par rapport à loi.

La volonté du législateur est donc clairement de donner de la souplesse aux entreprises pour adapter les normes à leurs enjeux.

Lors du vote de ces lois, il a été mis en avant qu’elles créaient une « inversion de la hiérarchie des normes ». Ce n’est pas tout à fait vrai, puisque les normes à appliquer sont désormais différentes en fonction du sujet dont elles traitent.

Par ailleurs, le Code du Travail continue de fixer des règles minimales auxquelles on ne peut pas déroger.

L'articulation générale des normes en droit du travail depuis les "Ordonnances Macron" de 2017

A ce jour, le principe de faveur demeure une règle majeure en droit du travail.

Néanmoins, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, son impact se trouve diminué.

Concrètement :

  • Le Code fixe des disposition d’ordre public « absolu » : il s’agit de règles auxquelles aucune source ne peut déroger, et ce, même si la source « inférieure » était plus favorable au salarié. Par exemple : la valeur du SMIC ne peut être modifiée sous aucun prétexte, de même que la compétence des tribunaux.
  • Le Code du travail a ouvert un grand pan de dispositions légales à la négociation collective, que ce soit aux niveaux de l’entreprise ou encore des branches, tout en assurant la primauté des normes négociées et en ouvrant la possibilité aux partenaires sociaux de négocier dans un sens défavorable aux salariés.
  • Le principe de faveur reste la « norme » pour toutes les autres dispositions sur lesquelles il n’est pas possible de déroger ou de négocier. Ainsi, il conviendra, si confit de normes il y a, d’appliquer la règle la plus avantageuse au salarié, ce qui n’est pas toujours évident à déterminer.
  • A noter qu’en principe, les mentions du contrat de travail plus favorables prévalent encore sur les normes négociées mais que cette règle a également une portée limitée. En effet, certains accords visant à la sauvegarde économique de l’entreprise peuvent par exemple modifier, sous conditions, la clause sur la rémunération, la mobilité géographique, etc. Les accords de performance collective dans le cadre de la crise sanitaire liée au COVID-19 en sont une parfaite illustration.

Les nouvelles règles de la négociation collective

Le Code du Travail encadre les règles de la négociation

C’est désormais le Code du Travail qui indique quelle est la source de droit qu’il faut utiliser sur un sujet donné.

Sur chaque thème, le Code fixe :

  • des dispositions d’ordre public : il s’agit de règles auxquelles aucune source ne peut déroger, on doit toujours les respecter
  • le champ de la négociation collective : le Code du Travail indique qui peut négocier sur le thème, et dans quelles limites
  • des dispositions supplétives : il s’agit de règles à appliquer en l’absence d’accord.

Une répartition des thématiques de négociation en 3 "blocs"

La loi a réparti les thématiques en 3 grands blocs de compétences, qui permettent de déterminer quelle est la source qui a la primauté.

Le bloc 1 : primauté de l'accord de branche

C’est le champ de la négociation sur lequel les négociations de branche ont la main. Un accord signé au niveau de l’entreprise ne pourra pas être moins favorable au salarié.

Quelques thématiques du bloc 1 :

  • les classifications et les salaires
  • la mutualisation des fonds de la formation professionnelle
  • les règles relatives à la durée du travail : travail de nuit, durée minimale pour les contrats à temps partiel, taux de majoration des heures supplémentaires …
  • les dispositions relatives aux CDD : durée, renouvellement, délai de carence entre deux contrats …
  • les dispositions relatives aux périodes d’essai : durée, renouvellement, modalités de rupture

Un accord d’entreprise peut prévoir des éléments qui concernent ces domaines, mais ils devront nécessairement accorder des droits au moins équivalents pour les salariés.

Le bloc 2 : primauté optionnelle de l'accord de branche

Sur ces sujets, les branches peuvent choisir de prévoir des dispositions qui s’imposeront :

  • la prévention de la pénibilité au travail
  • l’emploi des personnes en situation de handicap
  • les conditions de désignation des délégués syndicaux
  • les primes liées aux travaux insalubres et dangereux

Le bloc 3 : primauté de l'accord d'entreprise

Dans tous les autres domaines que ceux mentionnés au bloc 1 et 2, c’est l’accord d’entreprise qui prime.

Il peut donc prévoir des dispositions moins favorables aux salariés, mais doivent nécessairement respecter les minima légaux fixés par les dispositions d’ordre public du Code du Travail.

Pour conclure

Depuis la loi El Khomri et les ordonnances Macron, le principe historique de faveur a été bousculé.

Le système actuel est plus complexe, et nécessite de s’interroger systématiquement sur la norme qui prévaut sur la thématique qu’on observe.

Vous avez désormais les clés pour connaître les différentes sources du droit du travail, et pour comprendre l’articulation de ces sources entre elles.

Dans un troisième article consacré au droit du travail, nous vous donnerons des conseils pour chercher efficacement des informations concernant le droit du travail.

Partager
Poursuivez votre lecture :
Un cadre, c'est quoi ?
Le statut cadre, qu’est-ce que c’est ?

Le nombre de cadres a doublé en 30 ans en France, mais ce statut est finalement assez flou pour un grand nombre de personnes !

On observe une confusion fréquente entre plusieurs notions différentes : statut cadre, responsabilités managériales, forfait jour.

On fait le point !

Travailler avec des freelances en évitant le risque de requalification
Travailler avec des freelances en évitant le risque de requalification

L’évolution du marché du travail est marquée par une montée en puissance constante du freelancing, qui séduit les travailleurs à la recherche de plus de liberté, et les entreprises à la recherche de plus de flexibilité. Cette tendance ne doit pas vous faire perdre de vue que le recours à des travailleurs indépendants est encadré par la loi et par la jurisprudence, et qu’une entreprise qui n’en aurait pas conscience s’expose à des risques conséquents.

Vous partagez notre passion des RH ? Abonnez-vous !